Mathieu et Philippe en toute allégresse sur une course endiablée : l'Infernal trail des Vosges - Portraits | Plaisir du Sport En Alsace
FB Instagram
Rêver, vibrer, s'épanouir par une lecture différente du sport nature et outdoor en Alsace !
Bandeau accueil
Bandeau accueil
Bandeau accueil
Paris fous d'Alsaciens
Course à pied
Infernal_accueil.jpg

Mathieu et Philippe en toute allégresse sur une course endiablée : l'Infernal trail des Vosges

L'excès d'enthousiasme crée-t-il un attrait spécifique pour le danger ? Si l'on en croit les envies de trails hautement atypiques et exigeantes de Mathieu et Philippe, on ne peut qu'approuver cette idée.

Les deux sportifs ont en effet pris part en septembre 2016 à l'un des défis les plus costauds qui jouxte l'Alsace : l'Infernal Trail des Vosges. Sur 200km et - attention, le chiffre pique les yeux et les mollets - 11 000m de dénivelée positive cumulée, les deux traileurs ont suivi un parcours tranchant, incisif, tordu comme jamais.

Sur cette épreuve qui demande agilité, combativité et endurance, quel que soit l'état du corps, le mental est seul gage de réussite. Fort heureusement, tous deux disposent d'une force intérieure phénoménale. Et, de toute évidence, des prédispositions innées à réaliser l'inconcevable.

 

L'Infernal trail des Vosges dans sa plus époustouflante version : 200km, 11 000m de dénivelée. Un profil écorché-vif, digne de Philippe et Mathieu, deux traileurs qu'aucune difficulté n'arrête en si bon chemin.

Des profils intrépides et nature

Pour Philippe, 44 ans, de Wittelsheim (68) "le sport a toujours fait partie de ma vie. Petit, j'étais toujours dehors en train de jouer, de faire le dingue à vélo, à roller ou à sauter d'arbre en arbre. J'avais la chance d'habiter Wittelsheim, au pied d'un crassier, ou plutôt d'un tas de sel comme nous aimions l'appeler. C'était un super terrain de jeu où je faisais des choses incroyables et dangereuses."

Doté de neuf vies ou simplement très habile, Philippe, à cette époque, était "comme un chat, à retomber sur mes pattes, ce qui m'a sûrement donné le goût du risque et de l'effort." Même au plus froid de l'hiver : "pendant que les autres enfants restaient devant la télé, je partais avec mes skis alpins aux pieds et j'allais jusqu'au tas de sel pour monter et descendre de nombreuses fois. J'étais heureux", admet-il simplement.

Avec les années, Philippe s'est entiché d'une passion pour la moto. Depuis 30 ans, il évolue au niveau français, européen, mondial, il est pilote officiel pour Yamaha et KTM. En marge de ce sport vitesse motorisé, ses loisirs préférés sont "le vélo et la course à pied. Mais je suis un touche à tout, j'ai donc testé, depuis tout jeune, de nombreux sports comme le ski où j'ai évolué à bon niveau, le volley, le ping-pong, le judo, la gym, l'escalade, le handball, le tennis, le roller..."

Mathieu, 39 ans, de Marmerspach (68), a quant à lui avant tout hérité de son père et de ses deux grands-pères le goût de la nature et de la marche. "Je randonne depuis que j'ai quatre ans. Le coin où je vis, autour du Grand Ballon, constitue depuis toujours un terrain de jeu que j'ai découvert avec eux." Aguerri aux sentiers vosgiens, il n'a démarré le trail qu'il y a quatre ans, se positionnant d'emblée sur des distances conséquentes : "j'ai fait mon premier trail au Petit Ballon, sur le 50km. J'avais un tout petit peu d'entraînement", indique-t-il.

La nature, le relief, les aspérités : le trail permet à Philippe, tête-brûlée de la course à pied, de se frotter à de multiples terrains de jeu parfois très exigeants. Notons au passage que cet homme, qui vaut sûrement trois milliards, a une arthrodèse à la cheville droite, ce qui fait que sa cheville est bloquée (à vie) depuis 20 ans.

L'ultra-trail : s'attendre à en baver - et ne vouloir que ça !

Faire moins, pour Mathieu, "ça ne rimait à rien". Car par ailleurs guide de randonnée au Club Vosgien de Saint-Amarin, il a acquis de l'endurance ainsi qu'une aisance à évoluer sur le massif des Vosges. En veut pour preuve sa participation au Tour de la Vallée de la Thur (environ 90-95km pour 3 300m de dénivelée positive à réaliser en 24h), "que j'ai terminé 3 fois". Une épreuve de marche rapide qui lui donne le goût de la (très) longue distance.

De plus, l'envie d'aventure, même en position à risque, Mathieu en fait son quotidien : "je suis élagueur, ce qui m'amène à intervenir en hauteur, dans les arbres". Pour lui, c'est la volonté qui détermine ce qu'on est capable de faire, et, dans son métier, pas de place aux hésitations : "quand on veut aller au bout d'une branche, on y va - c'est à 70% dans la tête que ça se passe." Mathieu est dans l'action, vaille que vaille.

Philippe, de son côté, a eu le déclic pour l'ultra-trail a lieu en 2014 : "c'est l'année où j'ai fait mon premier marathon, ma plus longue distance jusqu'alors, en 3h26. Dans la foulée je me suis inscrit à 4 ou 5 ultra-trails en 2015, dont l'Ultra du Pas du diable, l'Ultra sierra da estrela au Portugal, l'Ultra Trail du Haut- Koenigsbourg et la Diagonale des fous."

Hors normes comme il se définit lui-même, Philippe ne visualise pas la difficulté des ultra-trails : "je cherche juste un support pour m'épanouir, car les courses sur ces distances sont pour moi un voyage, une évasion avant de constituer un défi sportif ou personnel. J'aime l'idée de partir avec des baskets aux pieds, de parcourir les montagnes pendant des heures - et maintenant des jours." Une approche qui convient bien à notre ultra-runner :  "cela me permet de partir sans aucune pression ni stress, de me vider la tête et de voyager. J'aime courir sans savoir où je vais vraiment aller".

"De plus", confie-t-il, "je suis un compétiteur dans l'âme : dès que je suis sur une ligne de départ, je ne sais pas faire les choses à moitié. Et mon mental est en acier trempé." Gare, donc, à ceux qui se mettraient en travers de son chemin... Et avec un tel tempérament, Philippe a trouvé dans la course à pied le meilleur moyen de se défouler : "Sur les ultra-trails, on passe par des moments de joie, de rires, de partage, d'entraide. Il y a aussi des douleurs, de la colère, de la haine, de la fatigue - mais seul ce format peut amener quelqu'un dans ses retranchements. Et c'est exactement ce à quoi j'aspire."

Elagueur de métier, Mathieu est d'avis que "70% de la décision d'y aller ou pas - que ce soit au bout d'une branche ou sur un trail hyper technique - prend forme dans la tête".

Sauter à pieds joints dans une course endiablée

C'est donc en toute logique que Philippe s'est inscrit à l'Infernal. "En 2016, je me suis dit : pourquoi aller chercher loin ce que j'ai juste à côté ?" L'Infernal se joue à 80km de chez lui, soit presque "à domicile, avec une équipe de bénévoles qui sont énormes et de très bonnes critiques." De plus, "c'est une course très difficile, le parcours semblait bien cassant et usant, et", nous confie l'infatigable runner, "c'est exactement ce que je voulais."

Pour Mathieu aussi, la proximité et un parcours "à 40% autour du Grand Ballon, soit mon terrain de jeu !" ont fini de la convaincre de retenter l'aventure. L'année précédente, il avait dû abandonner sur l'épreuve, en raison de douleurs dorsales liées à une hernie discale. Apprenant à gérer ce handicap en étant très à l'écoute de son corps, il s'est, en 2016, "senti investi de cette mission d'y participer, en mémoire de mon père et mes grands-pères qui m'ont fait découvrir et aimer les lieux." Et cette fois-ci, se fiant à la certitude que "quand on veut, on peut", il repart avec comme seul objectif "de finir. Je suis arrivé avant-dernier. J'ai pris mon temps, j'ai fait en sorte d'être toujours à la limite de la barrière horaire. Au total, j'ai dû prendre 20h de repos sur l'épreuve. J'avais pour objectif 60h, je termine en 59h48'31 - soit 12 minutes de mieux que l'objectif - sans trop forcer."

Dans le trail, "plutôt que de me dépasser", Mathieu cherche à en faire un peu plus à chaque fois, avec la seule envie de connaître ses limites, "c'est ce que permettent de telles épreuves". Son entraînement est peu commun : "j'ai recommencé fin avril à courir. Je m'entraîne de nuit, après le boulot, en partant le vendredi à 18h, et je reviens le lendemain matin à 5h. Ensuite je récupère et je recommence le samedi soir." Avec ces très longues sorties du week-end, Mathieu a pour objectif d'apprendre à récupérer plus vite. "Je veux faire en sorte de ne pas avoir mal le lendemain, pour éventuellement repartir. Avant, je cumulais 20 à 25h d'entraînement sur 5 à 6 sorties par semaine (environ 200km) parce qu'il me fallait rattraper mon retard pour avoir le niveau des formats qui m'intéressaient."

Philippe quant à lui prend les choses comme elles viennent et ne se "prépare absolument pas pour ce genre d'épreuve : je me contente de courir 2 à 3 fois par semaine, quand j'arrive à trouver le temps. Mon boulot m'empêche de sortir aussi souvent que j'aimerais, mais c'est comme ça, je fais avec". Au total, "je cumule rarement plus de 50km par semaine." Malgré cela, "avec l'expérience, je savais que j'étais en mesure de rentrer dans les dix premiers. J'étais confiant et en forme. Les aléas de la course ont fait qu'au bout de 50 kilomètres, mes pieds étaient bien atteints par l'humidité et les échauffements, ce qui ne m'a pas permis de m'exprimer durant les 150 kilomètres restants. J'ai lutté contre la douleur durant une trentaine d'heures, avec la sensation d'avoir deux fers à repasser sous les pieds. Mais c'est le jeu : à prendre les choses à la légère, il y a forcément un moment où ça coince..."

Philippe s'entoure peu à peu d'éléments qui drainent sa motivation : "depuis deux ans je partage mes entraînements avec mon chien, Quattro. Comme il est très demandeur, ça m'oblige à sortir à des moments où l'envie n'y est pas forcément". Et "depuis quelques mois, j'ai rencontré Léonor, avec qui je partage ma vie et maintenant les sentiers : le bonheur !"

Se rapprocher de l'essentiel

Avec un vif appétit pour les bonnes choses, Philippe ne renonce pas à manger "tout et n'importe quoi et je ne refuserais même pas une tartiflette et une bière la veille d'un départ. J'ai quelques kilos en trop qui me desservent dans certains domaines, mais j'ai l'impression que, sur un ultra, ce paramètre est moins important."

Bon vivant lui aussi, Mathieu, lorsqu'il s'entraîne seul, ne peut résister à l'envie de s'arrêter dans une ferme-auberge s'il en croise une sur son chemin : "c'est une étape obligatoire pour discuter, manger un bout, boire un verre. Quand j'étais jeune, on faisait une ferme-auberge différente tous les mercredis : c'est un héritage familial !" Sans compter que ça fait partie du patrimoine local : "c'est indispensable de soutenir ces structures." Son engagement local l'amène à promouvoir vivement l'intérêt du Club vosgien : "ils entretiennent les sentiers, balisent : c'est indispensable aux randonneurs, aux traileurs. Et c'est typiquement alsacien !"

S'ajoutent à cela "les beaux paysages, les rencontres", souligne Mathieu. "On ne fait connaissance qu'avec des gens bien en montagne ! L'ambiance est conviviale, davantage que dans la course sur route, car il y a moins d'esprit de compétition. Quant à moi, je cours pour le plaisir, je n'ai pas l'esprit de compétition. D'autant moins maintenant car je dois faire attention à mon dos." Content d'être arrivé au bout de l'Infernal, Mathieu souhaite s'inscrire sur la TDS en 2017 car il a les points pour cela. Auparavant, en mars 2017, il prendra le départ du Trail du Petit Ballon une nouvelle fois, pour prendre la mesure de sa progression depuis 4 ans. Il continuera dans les trails, et accompagnera peut-être Jean-Luc Mangin, qui envisage la traversée des Vosges en mai 2017.

Quant à l'insatiable Philippe, il remarque que l'Infernal n'était pas un défi : "pour moi un défi est un truc que tu aimerais atteindre sans vraiment être certain d'y arriver. Je n'ai pas eu cette sensation de défi, je parlerais plutôt d'étape, car j'ai juste besoin de continuer à m'épanouir à travers cette discipline qui me convient parfaitement. Si mon corps ne me lâche pas, j'irai toujours plus loin car j'en ai besoin. Je ne cherche pas les records, mais juste un épanouissement personnel".

Et comme il a des attentes que d'autres n'ont pas il avoue "regretter que les courses proposent trop d'assistance et de ravito : j'aimerais qu'elles soient endurcies à ce niveau-là, et que l'autonomie soit prépondérante dans le résultat". Voilà, c'est dit : ça ne va pas forcément plaire à tout le monde, mais : et si on changeait les règles du jeu ?

Dans le trail, Mathieu a envie de ne pas oublier de : se faire plaisir, rendre hommage, être enthousiaste et profiter, comme ici, d'un apéro d'après-course.


Mathieu Kirchhoffer, 39 ans, Malmerspach (68) - Crédit photo : © Daniel HILBOLD

  • Classement sur l'Infernal Trail 2016, format 200km, 11 000m D+ : 81e sur 82 finishers en 59h48'31''
  • Profession : élagueur
  • Autre : guide de randonnée au Club vosgien de Saint-Amarin
  • Son expérience du trail : uniquement sur les "grands formats" en Alsace et à proximité (Trail du Petit Ballon - Trail des Marcaires - Trail du Pays Welsche - Trail des reculées dans le Jura).
  • Son conseil : Bien manger, bien boire sont deux aspects essentiels dans le trail et l'ultra-trail.

 

Philippe Donischal, 44 ans, Wittelsheim (68) - Crédit photo : © Daniel HILBOLD

 


L'auteur,
Elyse Moreigne

Editrice de Plaisir du sport en Alsace, passionnée de langages écrits, nageuse, coureuse et randonneuse, parfois triathlète, engagée pour valoriser la pratique sportive en Alsace en tant que source de bien-être, d'enthousiasme, de dépassement de soi !
.

Cet article n'a pas encore été commenté.

Commentez cet article

Référence de l'article : Erreur

Votre nom :

Votre adresse e-mail (elle ne sera jamais affichée) :

Votre site web :

Votre message :

Important : confirmez votre email* :