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Les troubles alimentaires... et le sport

Le sport est-il un remède à la maladie ? Peut-on s'en sortir simplement en chaussant ses baskets - lorsque c'est la tête qui souffre ? Et qu'on ne parvient plus à s'alimenter normalement ?

Pour beaucoup, se sortir d'un "trouble alimentaire" ne semble pas très compliqué : il suffit de remanger normalement. Or dans le cas de l'anorexie et de la boulimie, l'équilibre alimentaire du sujet est rompu, le renouer devient, pour lui, juste mission impossible.

Devenir anorexique, c'est tomber dans un cercle vicieux de l'absurde. On s'impose inconsciemment un diktat de l'impossible : celui de ne presque rien manger. À la moindre faiblesse surgit un autre trouble : la boulimie.

Ceux qui sont touchés par ces comportements évoluent entre privation et honte, voire dégoût de soi.

Dans un tel contexte, la pratique sportive, dans le meilleur des cas, peut apparaître comme une porte de sortie. Tout comme à l'inverse, elle peut signifier l'entrée dans une nouvelle dépendance.

Peut-on imaginer faire du sport sans manger ?

Ou "Comment tombe-t-on dans l'anorexie ?"

De l'avis des spécialistes, c'est souvent un événement anodin qui déclenche le processus, sans même que l'individu en prenne conscience. Un jour, la tête, soutenue par le corps, décident à l'unisson de ne plus manger. Un régime ? Pas exactement. On repousse les limites de sa volonté.

"Au début, je me disais que je mangerais plus tard", témoigne Sabine, 36 ans, qui se sort peu à peu d'une longue période d'anorexie-boulimie. "Et malgré la faim, j'attendais encore un peu. Peu à peu, je me suis mise à ne plus manger que des micro-rations de légumes ou de fruits ou autres aliments réputés sains - et surtout, basse calorie, sans graisse, sans sucre... J'ai fini par ne plus manger qu'une pomme par repas. Parfois par jour."

L'objectif poursuivi est de changer son image de soi, trop "imparfaite". Pour attirer le regard des autres, oui, "mais derrière il y a un appel au secours : on veut montrer que l'on souffre, et prendre la parole est trop difficile", témoigne Sabine. "En même temps, on veut prouver que l'on est capable de tout maîtriser". Même les sensations. Même la faim.

Philippe Jeammet, professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, spécialiste de la question, insiste sur le fait que "l'anorexie n'est pas choisie, c'est une contrainte." Mais avec ce choix involontaire, la personne anorexique se prive de la quantité de nutriments essentiels au bon fonctionnement de l'organisme. Le corps s'appauvrit, les muscles fondent, les réserves vitales s'amenuisent. Elle met en danger sa propre vie.

Du sport soulagement...

Paradoxalement, bouger fait partie du processus. "Au bout de quelques semaines de ce drôle de régime, tout allait en fait vraiment très bien", raconte Sabine. "Alors que je n'étais pas une sportive régulière, le sport a commencé à prendre une place prépondérante dans mon quotidien. Je me sentais dans une forme éblouissante, je partais régulièrement courir à 5 heures le matin, j'allais travailler ensuite en faisant ma pause de midi à la piscine, en augmentant sans cesse les distances parcourues, et le soir j'étais souvent prête à sortir m'amuser encore".

Ne jamais ressentir la faim, bouger pour n'y pas penser, voilà à quoi lui sert le sport dans ces moments-là : soulager l'esprit et l'aider à encore mieux se maîtriser.

Ce qu'il y a de profondément sournois dans ce trouble, c'est qu'il semble "faire du bien" à celui qui en est atteint. Le sujet se sent mieux - alors qu'il est en train de s'épuiser.

"On est anesthésié lorsqu'on est anorexique", affirme Colette Combe, psychiatre, psychanalyste spécialiste de la question, dans une conférence de 2013 à Strasbourg. "Le corps est soumis au même stress qu'à la fin d'une course en compétition : on est plutôt bien - alors pourquoi vouloir que ça s'arrête ?"

Cependant le déclin est rapide et brutal. Surtout avec la dose de sport qui s'ajoute à la dénutrition.

Et même lorsque l'on est conscient d'être allé trop loin dans la perte de poids, l'obsession de ne pas regrossir perdure. "J'avais mon corps en horreur", reprend Sabine, "mais je ne savais pas comment faire pour me réalimenter. Je savais qu'il fallait que je mange pour ne plus perdre de poids, mais je ne savais pas comment m'y prendre. J'avais l'impression que tous les conseils qu'on me donnait sonnaient faux. J'étais en véritable panique à l'idée de prendre un repas normal. Je n'avais plus aucune idée de ce que ça voulait dire..."

Les propos du professeur Jeammet confirment cette angoisse : "L'anorexique n'a qu'une seule peur, c'est de devenir boulimique. Elle ne pense qu'à ça."

L'isolement dans lequel Sabine se trouve la conduit à adopter un comportement de défense : "Acculée, j'ai ressenti la faim à nouveau. Une faim de plusieurs mois sans manger normalement. Un soir, je suis rentrée chez moi avec une sensation de faim extrême : j'ai mangé sans compter, tout ce qui était à ma portée. C'était ma première crise de boulimie. Juste après, j'ai ressenti une véritable détresse."

... au sport soupape

C'est à ce moment-là que le sport intervient à nouveau, avec un rôle déterminant : reprendre la maîtrise de soi, évacuer le trop-plein, répondre à cette urgence nouvelle.

"Certaines personnes boulimiques se font vomir. Pour moi, c'était inconcevable. Ma première séance de sport post-crise m'a apporté beaucoup de soulagement. J'en ai fait plus que d'habitude encore (il fallait éliminer), tout ce que je pouvais faire en bougeant, je le faisais. Je ne comptais pas les kilomètres à pied, en vélo, à nager, à courir..."

La pratique sportive s'intensifiait à chaque crise, une sorte de "rituel de purification" s'installait. "C'était du délire : un jour, après une crise de boulimie la veille au soir, je suis allée courir à jeûn, puis j'ai nagé et j'ai encore fait deux séances d'aquagym et aquabike en fin de journée. 5 heures de sport, sans rien manger." Une autre fois ce sont 7km de natation qu'elle a allongés sans rien dans le ventre. "Il fallait que je vide mon corps de tout cet excès incontrôlable."

Ce bras de fer entre le corps qui se révolte et la tête qui ne veut pas céder "était épuisant physiquement, et moralement désespérant, puisque mon image se transformait. J'avais honte de ne plus rien maîtriser."

L'alternance diète-crises a duré de façon intense pendant deux ans. "J'ai commencé à m'en sortir en acceptant de manger à chaque repas. C'est un ami qui m'a dit 'ce qui est normal, c'est de manger, et pas l'inverse'. Il m'a convaincue que malgré mes crises boulimiques, j'étais sur la bonne voie. Les crises se sont peu à peu espacées, même si je mangeais encore de façon compulsive." Le sport lui, est bel et bien resté.

Oui, mais...

Tomber d'une dépendance dans une autre

Si la dépendance alimentaire s'est estompée, elle l'a été au profit d'une "boulimie" sportive. Un revirement inquiétant dans la mesure où le sport devenait un besoin impérieux, donc une nouvelle forme de tentative de contrôle de soi.

Et en effet, "la première chose à laquelle je pensais en me réveillant le matin, c'était le nombre d'heures me séparant de ma séance piscine. Et une fois dans l'eau, il fallait que je tienne bon jusqu'à ce que j'aie parcouru la distance maximale dans l'heure dont je disposais, sans pause, sans reprendre mon souffle." Lorsqu'elle ne pratique pas ? "C'était des journées horribles de frustration, je finissais invariablement par me rabattre sur la nourriture." Avec d'autant plus d'excès que la privation aura été ressentie violemment.

Pour se sortir réellement de la dépendance, alimentaire ou sportive, Sabine a dû réagir. "Au bout de plusieurs années de ce traitement, je suis tombée par hasard sur un dépliant d'une association locale, l'ARTTA. Savoir que des médecins étaient spécialistes de ce trouble m'a convaincue de les contacter. Ils m'ont redirigée vers une psychologue. Ce suivi m'a redonné confiance en moi, m'a fait comprendre mes manques et mes besoins, et peu à peu me donne les clefs pour y répondre."

Et surtout, cela l'a aidé à comprendre que s'épanouir dans le sport, ce n'est pas en faire avec acharnement. La juste dose est celle qui apporte délassement et confiance en soi, sans sentiment de contrainte, de culpabilité ou de déception. Dans le respect de soi avant tout.

"J'ai mis du temps, mais désormais, lors de mes séances sportives, je ne m'impose plus de faire une distance donnée, j'essaie de varier, de trouver toujours du plaisir. Parfois, alors que ça semblait tout bonnement impossible avant, il y a des jours où je ne fais rien. Je me repose. Je fais d'autres projets. L'alimentation a encore une place trouble dans ma vie, mais je sais que ça finira par changer."

Pour mieux comprendre l'anorexie, l'ARTTA a édité un diaporama disponible en téléchargement sur ce lien.

 

(Dépliant de l'ARTTA, à télécharger)


En savoir plus sur l'anorexie et la boulimie :

En Alsace, l'ARTTA (association réseau des thérapies des troubles alimentaires) accompagne la prise en charge des troubles des conduites alimentaires. Outre les patients, l'association accompagne aussi les familles.

Sur le net, plusieurs sites sont consacrés aux troubles alimentaires :

Autrement : http://www.anorexie-et-boulimie.fr/

Afdas TAC : http://www.anorexieboulimie-afdas.fr/

De nombreux liens locaux sont disponibles sur le site de l'ARTTA.

Autres liens utiles :

http://www.eurekasante.fr/maladies/psychisme/anorexie-boulimie.html

http://fr.wikipedia.org/wiki/Boulimie

http://fr.wikipedia.org/wiki/Anorexie_mentale

Les liens et les recommandations en termes de pratique sportive :

http://www.sante.gouv.fr

http://www.inserm.fr

http://www.mangerbouger.fr/bouger-plus/que-veut-dire-bouger.html

 


L'auteur,
Elyse Moreigne

Editrice de Plaisir du sport en Alsace, passionnée de langages écrits, nageuse, coureuse et randonneuse, parfois triathlète, engagée pour valoriser la pratique sportive en Alsace en tant que source de bien-être, d'enthousiasme, de dépassement de soi !
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