Les nageurs de chez Liebherr
Colmar a deux piscines. Et c'est vers elles qu'affluent en semaine de nombreux sportifs qui profitent de leur pause-déjeuner pour venir se défouler.
Parmi eux, des habitués. Et à force de côtoyer ces nombreux habitués, on finit toujours par tomber sur un des nageurs de chez Liebherr.
C'est un fait : la société industrielle emploie 1 900 personnes sur les deux sites de production de Colmar. Normal que quelques spécimen se retrouvent dans l'eau.
"Quelques" est d'ailleurs peut-être assez réducteur, car ils sont une bonne vingtaine à venir régulièrement nager sur ce créneau horaire.
Aperçu de ce qui les motive - et des répercussions de cette pause sportive sur leur dynamisme au sein de l'entreprise.
Une saine émulation
Au départ, faire partie d'une même équipe a certainement contribué à mettre tout le monde à l'eau.
Au niveau du bureau d'études de Liebherr-France, la motivation est liée au nombre. "Nous sommes 4, 5 collègues de bureau à nager ensemble. C'est plus facile de se motiver à plusieurs", indique Frédéric R., 35 ans. Clément, 29 ans, vient nager pour "pratiquer une activité sportive en semaine, car ce n'est pas forcément facile le soir, surtout en hiver". Venir à plusieurs lui permet de "tenir trois séances de natation par semaine. Comme nous sommes plusieurs dans le même bureau, nous nous boostons mutuellement."
L'équipe masculine de Liebherr-France : Florian à gauche, les trois Frédéric au centre et Clément à droite
Liberty, ingénieure, renchérit : "Quand on n'est pas très à l'aise dans l'eau, c'est plus motivant de venir entre collègues plutôt que d'y aller seule. Lorsque je suis arrivée chez Liebherr, les nageurs m'ont régulièrement proposé de les accompagner. J'ai essayé, et désormais j'y vais au moins une fois par semaine". Florian, 24 ans, confirme le sentiment de cohésion au sein de l'équipe : "je viens nager depuis deux ans essentiellement pour partager un moment avec des collègues que j'apprécie".
Pour Guy, 52 ans, nageur depuis 40 ans, c'est plus difficile, car "contrairement aux autres, je n'y vais pas à midi, et j'ai du mal à me motiver après le travail". Pourtant, "l'eau est vraiment mon élément, mais je ne nage plus très souvent".
Frédéric B., 35 ans, du service informatique, confie avoir été poussé à venir nager par un ancien collègue, triathlète, qui allait régulièrement s'entraîner. "Comme je commençais à avoir un peu d'embonpoint, je me suis dit que ça ne pouvait pas me faire de mal."
Pour d'autres, nager était une évidence. Frédéric M., 37 ans, a toujours aimé la natation en loisir : "depuis quelques années, mes horaires me permettent de profiter de la pause de midi pour faire un break, je vais donc régulièrement à la piscine."
Alain, 50 ans, technicien méthodes/industrialisation sur le site Liebherr-Mining, n'a pas besoin de motivation particulière : "je nage depuis 17 ans, toujours entre midi et 13h. Une fois par semaine au début, puis deux, trois fois, et quatre actuellement. C'est une démarche individuelle, même si j'apprécie beaucoup que d'autres collègues se joignent à moi pour le co-voiturage jusqu'à la piscine."
Etirements et échauffement des épaules, en toute décontraction, pour Alain (lors du challenge Marco Diener)
Des objectifs très divers
Si Alain, Guy et Frédéric M. nagent pour leur seul plaisir, pour d'autres, la natation s'est imposée pour des raisons médicales.
Pour Liberty, la natation est arrivée "suite à un accident de voiture survenu en 2010. Victime du coup du lapin, je soulage mes contractures fréquentes aux cervicales en faisant du dos crawlé. Mon kiné m'a prescrit d'en faire pour travailler les trapèzes en douceur". Pour Frédéric R., c'est également "sur les conseils de mon kiné, suite à une blessure au genou, que j'ai commencé à venir nager il y a trois ans. Avant, je ne nageais pas". Chez Clément, qui pratique d'autres sports par ailleurs dont la course à pied, "les douleurs au genou ont disparu" depuis qu'il nage régulièrement.
Restent ceux qui souhaitent simplement garder la forme. C'est le cas pour Florian. Et pour Frédéric B., papa d'une petite fille de 7 ans et d'un garçon de 9 ans, pour qui "rester en forme est important si l'on souhaite partager les activités de ses enfants".
Pause pour réajuster les lunettes pour Florian
Pour tous, le break-natation de midi est devenu un moment incontournable. "Si je ne viens pas, affirme Frédéric B., ça me manque. C'est le cas en été, période pendant laquelle je ne vais pas du tout nager car je viens déjà au travail en vélo".
Pour Alain, en dehors du plaisir à être dans l'eau, la motivation réside dans le besoin d'une dépense énergétique. "Je suis de plus en plus assis toute la journée devant mon écran, or je ressens le besoin de bouger pour avoir une fatigue non seulement nerveuse mais aussi physique ; c'est essentiel pour bien dormir et bien récupérer."
Et d'ajouter : "En plus de la sédentarité au poste de travail, nous disposons d'une cantine fameuse, réputée dans toute la région. La rumeur propage d'ailleurs que l'on prendrait deux kilos par an à travailler chez Liebherr... Après 28 ans passés au sein de cette société, si je n'avais jamais nagé, je pèserais 140kg aujourd'hui !"
S'entraider et progresser ensemble
Et la performance ? Dans l'histoire de chacun, elle a une place très anecdotique. Pourtant, on constate vite que ces nageurs-là, comme Clément, sont rapides pour des amateurs. "Nous ne sommes pas là pour prouver quelque chose, et il n'y a pas de compétition entre nous. Parfois, on s'amuse en se défiant sur quelques longueurs, mais ça reste bon enfant", indique Frédéric B.
Et c'est dans cette joyeuse ambiance qu'un nouveau groupe de nageurs s'est formé, il y a quelques mois, sur le site de Liebherr-Mining.
Esther, 24 ans, ingénieure électricité, s'est mise à nager régulièrement il y a peu. "Avant de travailler chez Liebherr, je ne nageais pas vraiment. Au début, j'allais à la piscine avec une collègue, mais on papotait beaucoup - et faire juste une longueur de crawl m'essoufflait ! Au fur et à mesure, un collègue nous a rejointes, puis un autre. Désormais, nous pouvons être jusqu'à 7 à venir ensemble, lorsque les agendas le permettent."
Esther, la féminine de l'équipe du challenge Marco Diener 2013
Nager avec ce noyau dur de 4-5 collègues est un véritable avantage. En termes de motivation, d'une part, car Esther, sait qu'elle a "rendez-vous" à la piscine. Mais cette équipe-là dispose d'un atout de taille : "L'un de nous pratiquait la natation en club avant. Il nous fait faire quelques exercices de vélocité et de respiration. Du coup, on sent qu'on progresse et ça motive ! On essaie toujours de faire mieux que la séance précédente - pour moi c'est un petit défi à chaque fois !"
"Nager avec des collègues, cela renforce l'esprit d'équipe car on s'encourage en se motivant, se soutenant et se conseillant. Tout le monde y gagne !"
Un coup de fouet pour l'après-midi
Quelles que soient les motivations de chacun, il est clair que, venir nager à midi, cela constitue "une bonne coupure dans la journée de travail". Et c'est un sentiment partagé par tous.
Frédéric M. précise : "cela me permet de faire du sport en temps masqué, sans que cela empiète sur ma vie familiale. Et c'est l'occasion de me défouler également."
Le sport apporte à Guy un certain bien-être. "Sur le plan professionnel, ça ne change rien si ce n'est que je suis en forme au travail". Un petit "rien" qui vaut de l'or, tout de même...
L'eau libère aussi des tensions : "Quand je nage, je ne pense qu'à nager" complète Liberty. "Exit les soucis du boulot ou du quotidien !"
Alain quant à lui, l'affirme avec conviction : "On a l'impression de revenir l'après-midi comme si c'était une nouvelle journée qui commençait. Du coup, le temps passe beaucoup plus vite." Clément le confirme : "étonnamment, je me sens plus en forme l'après-midi quand je suis allé nager, je ressens moins le coup de barre que l'on peut avoir parfois." Esther partage cet avis.
C'est un fait : une fois nos sportifs délestés de leurs tensions personnelles et professionnelles, leur journée prend une autre tournure.
Une bonne coupure dans la journée de travail pour Frédéric R.
Et cela reste valable quel que soit le moment de l'année, car si nager en été se conçoit facilement, il n'y a pour autant pas de trêve hivernale. "Lorsque le temps est maussade, qu'il fait froid, on pourrait ne pas avoir envie d'aller nager. Mais en fait, les nageurs savent bien qu'après la piscine, on a un sentiment de chaleur, et on revient souvent plus en forme que quand on est parti."
C'est une évidence : comment faire l'impasse sur un tel moment de bien-être ?
Sans oublier, comme le rappelle Alain, que les sportifs sont rarement malades. "Être en bonne forme physique vous permet de passer au travers des maladies : je ne connais pas les petits rhumes ou toux qui peuvent toucher mes collègues par exemple. Donc très peu d'absence au travail. Et avec la natation, contrairement à d'autres sports, il est difficile de se blesser..."
Aucune excuse, vraiment...
Un lieu de rencontres et d'échanges
Outre le plaisir de nager ensemble, Alain insiste sur le fait que "les personnes qui viennent nager à midi sont des gens très positifs. Nous nous retrouvons après notre séance pour déjeuner ensemble. Et comme nous sommes là pour nous changer les idées, il n'y a jamais de tension ou d'animosité. C'est une très belle ambiance, qui contraste avec certains stress qui peuvent exister sur le lieu de travail."
Pour Frédéric B., "c'est une bonne occasion de prendre des nouvelles de l'autre société, d'être au courant de choses en 'off'. Et puis, entre nageurs, il nous arrive de prendre un pot à diverses occasions, autour de manalas par exemple en décembre. Cela nous permet de nouer des liens avec d'autres personnes."
"Venir nager, ça m'a permis de rencontrer des collègues de Liebherr que je ne connaissais pas avant" ajoute Liberty. "On se reconnaît de vue et puis on vient échanger quelques mots - 'ah, toi aussi tu viens nager ?' - Cela permet de briser la glace. Et comme il y a beaucoup de nageurs chez Liebherr, c'est un bon moyen pour rapprocher les gens".
Frédéric M. confirme : "on rencontre des collègues de l'autre site de production (Mining) que l'on n'a pas forcément l'opportunité de côtoyer sinon, on sympathise. Cela permet d'élargir le cercle des connaissances."
Clément plonge pour l'échauffement, Frédéric R. se tient juste derrière lui
Le challenge Marco Diener - et les autres défis
Même s'il n'est pas question de prouver la supériorité des uns ou des autres, le goût du défi s'empare tout de même occasionnellement de nos nageurs.
Il en est ainsi en novembre, à l'occasion du challenge Marco Diener.
Organisé tous les ans par l'office municipal des sports de la ville de Colmar au stade nautique, l'épreuve consiste à réaliser un relais nage libre de 8x50m.
Depuis plusieurs années, Alain s'occupe de former les équipes au sein de Liebherr. Et pour Guy, "c'est une vraie joie de retrouver les autres pour les épreuves de type challenge, car c'est toujours une super ambiance. Les défis alors sont très personnels, ce n'est pas de la compétition avec les autres."
7 des 8 membres qu'a compté l'équipe du challenge 2013 (de gauche à droite) : Marek, Gaël, Frédéric N., Esther, Alain, Clément, Geoffrey
Pour Frédéric M., "ça amène un petit plus de participer à ce type d'événements. Se mesurer à d'autres équipes - comme celle du TACC (triathlon club de Colmar) et les battre, c'est sympa. D'autant que la plupart des membres de notre équipe pratiquent la natation sans faire partie d'un club, donc sans plan d'entraînement..."
Alain souligne que "le challenge Marco Diener est très fédérateur : du moment où il y a un objectif commun, ceux qui ne font que se croiser d'habitude osent commencer à discuter ensemble."
Fédérateur dans l'envie de gagner : "les garçons ont souvent un goût prononcé pour la compétition (besoin de se mesurer, côté mâle dominant, etc.) mais nous avons déjà eu une ou deux filles dans l'équipe. À chaque fois, tous voyaient cette soirée comme une grande compétition à gagner absolument".
L'engagement a été très fort en 2012, une année "d'exception émotionnelle" pour Alain : "nous avions réussi à former deux équipes avec de nouveaux nageurs qui évoluaient très vite sur 50m. Tous ces gens se sont retrouvés pour travailler leur vitesse un mois avant le challenge, afin de venir au top de leur forme. Le résultat a été bluffant : 4 minutes sur ce relais 8x50m nage libre ! C'était grisant de voir tout cet engagement..."
Au final, ces moments-là soudent les individus. "De tous les collègues que je côtoie à la piscine, ceux que je connais mieux que les autres sont ceux avec qui j'ai partagé ce type de moments intenses."
J'en reste pour ma part convaincue : le sport est tout à fait conciliable avec une activité professionnelle. D'autant que travailler avec des sportifs, c'est avoir en permanence un rayon de soleil à portée de la main...
En dehors du challenge Marco Diener, le groupe des nageurs du bureau d'études se retrouve tous les ans sur le triathlon de Colmar. Une autre bonne occasion pour Clément, Nicolas, les deux Frédéric (M. et R.) et Florian de passer du temps ensemble.
L'auteur, Elyse Moreigne
Editrice de Plaisir du sport en Alsace, passionnée de langages écrits, nageuse, coureuse et randonneuse,
parfois triathlète, engagée pour valoriser la pratique sportive en Alsace en tant que source de bien-être, d'enthousiasme, de dépassement de soi !
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