Joseph et Jacques, finishers des 11 éditions du Marathon du Vignoble d'Alsace
Le 21 juin dernier, Jacques terminait le Marathon du Vignoble d'Alsace en 3h33min33s, devançant légèrement Joseph, qui franchissait la ligne d'arrivée après 3h48min10s d'effort.
Tous deux ne se connaissent pas, mais ils avaient ce jour-là un point commun : celui de boucler leur onzième participation à l'épreuve, soit la totalité des éditions, sur le parcours marathon connu pour être "le plus festif du mois de juin", mais qui est aussi le plus vallonné d'Alsace, puisque totalisant 472m de dénivelée positive.
Ils sont quatre au total à avoir accompli cette très belle performance. Qui se cache derrière les superhéros qui réussissent à renouveler cet exploit sans flancher depuis 11 éditions ? Faut-il un cran particulier pour y parvenir ? Et pourquoi ici, à Molsheim ?
Interrogés, Joseph et Jacques ont accepté de nous livrer les clés de leur réussite, en revenant sur leur parcours, leurs motivations - et surtout l'état d'esprit qui les anime lorsqu'ils courent.
Joseph, à gauche, et Jacques, à droite, sont allés tous les deux jusqu'au bout de chacune des 11 éditions du Marathon du Vignoble d'Alsace. Crédit photo : ©Accessimage.net, Jérôme Genée.
La course à pied : un remède pour se sentir mieux
Il y a 25 ans, Joseph a trouvé dans la course à pied l'occasion de s'affranchir d'une blessure de vie. Pour lui en effet, tout a commencé dans un contexte personnel difficile. "J'ai commencé à courir suite à mon divorce", explique-t-il.
La première fois, c'est arrivé par hasard - presque par obligation : "j'avais l'habitude de me rendre à mon travail à vélo, soit 8km à l'aller, mais je ne le trouvais pas ce jour-là. Alors j'ai fait la distance à pied, en courant." Par la suite, "c'est devenu une habitude de faire au moins 4km en courant".
Un jour, l'entreprise (les Brasseries Heineken), lui propose d'intégrer la section course à pied, "avec l'objectif de participer aux 10km de Strasbourg". Joseph prend cela comme un défi, car "j'avais le souvenir que, courir 10km, c'était difficile". L'émulation collective lui permet d'aller au bout, dans le temps remarquable, pour un novice, de 46min44s.
Porté par cet élan positif lié à la course à pied, et malgré la mauvaise passe financière et les soucis juridiques dans lesquels il se trouvait, Joseph était heureux. Et même plus que ça : "ça m'a sauvé du divorce", confie-t-il. "J'aurais pu tomber bien bas - mais la course à pied m'a permis de faire un chemin. Même encore aujourd'hui, ce sport est mon remède anti-cafard."
En 2001, c'est un tout autre déclic qui propulse Jacques dans l'univers du running. À son retour de Sardaigne, il décide de se prendre en mains : "je pesais alors 84kg, pour 1m80. Il fallait mincir." Dès 2003, il réalise sa première course en compétition, sur le 10km des Foulées des 4 Portes (Rosheim, 67). "Ensuite, j'ai participé à des dizaines de 10km, puis à des semi-marathons, et à de nombreux trails à partir de 2006."
Joseph, ici avec le dossard 306, qui, malgré les aléas de la vie, retrouve le sourire lorsqu'il court.
42,195km à l'horizon
À ce stade, l'expérience d'un marathon n'est pas encore à portée de main - pourtant chaque nouvelle participation à une compétition pousse inexorablement l'un comme l'autre dans les bras de l'épreuve emblématique de la course à pied sur route.
Pour Joseph, qui continue à participer sans hésiter à tout un tas de courses, le "rêve marathon" devient réalité en 1991, à Neuf-Brisach. Sur cette première, il rejoint le départ dans des conditions rocambolesques, car tombé en panne de voiture, il rallie l'épreuve en stop, et arrive juste à temps pour chercher son dossard et s'élancer. Finisher avec un honorable 3h37, Joseph estime que c'est un score à améliorer, car "je n'avais aucune expérience de cette distance, j'ai mal géré mon effort."
Même s'il a plus de recul la seconde fois, les conditions météo, "qui étaient à la tempête", ne lui permettent pas de s'améliorer. C'est à son troisième essai qu'il établit son record personnel à l'épreuve brisachienne, en 3h18. Joseph tente alors Paris, en 1995. Ce n'est que le début d'une longue série de 28 marathons, sur lesquels il parvient 25 fois à courir en moins de 4h. "J'en ai fait tellement que je me sens fier !", explique-t-il, ravi.
Pour Jacques, l'expérience marathon débute à Molsheim - et il n'en déviera plus. Pour lui, "la distance marathon est mythique depuis Alain Mimoun et son titre olympique de 1956". À son niveau, il pensait "qu'il était impossible de courir un marathon, or tout est possible, car le corps est une machine qui s'habitue à presque tout." Plus globalement, cet univers de la course à pied convient bien à Jacques. La discipline est pour lui synonyme de "liberté du corps et de l'esprit. Cela libère une énergie incroyable qui rend les coureurs plus résistants et plus forts."
Quant à la difficulté présumée du marathon, il la relativise : "un coureur bien entraîné ne craint pas grand chose". À condition, nous rappelle-t-il, "de ne pas brûler les étapes en termes d'entraînements et de course."
Jacques, ici sur le parcours des Crêtes vosgiennes en 2011. Crédit photo : ©Vincent Chapin, www.alsace-en-courant.com
Le plaisir de courir à Molsheim
Si Joseph et Jacques réitèrent sans hésiter leur choix de courir sur le Marathon du Vignoble d'Alsace, c'est parce que "le parcours est très agréable avec une deuxième partie de course plus compliquée du fait d'ascensions répétées et sélectives", explique Jacques. De plus, "avant 2012 (année de la première édition du marathon Eurodistrict), c'était également le marathon le plus proche de Strasbourg."
Mêmes arguments pour Joseph, qui apprécie l'épreuve parce qu'elle se trouve "pas loin de chez moi". De plus, "le circuit est varié, avec des montées, des descentes, de la terre, des pistes cyclables... À force, je le connais presque par coeur !" Et pour lui, pas question de s'en priver : "Je le ferai toujours, tant que je pourrai courir. Et quand je serai un peu plus âgé, je continuerai à le faire - en mode dégustation !"
Pour Jacques, la fidélité à l'épreuve s'explique simplement : "lorsqu'on a commencé une série on la continue." De plus, il avoue un attachement à ce coin-là d'Alsace puisque "ma femme est originaire de Rosheim". Plus concrètement, Jacques apprécie l'organisation de épreuve, qui "s'est améliorée au fil des années et de l'expérience emmagasinée. Cela se voit au nombre de participants qui augmente au fil des années, surtout le semi-marathon et le 10km qui étaient complets."
Etant donnée la date de l'épreuve, "le seul souci concerne les fortes chaleurs, qui peuvent rendre la course effrayante !" continue-t-il. "Je me rappelle qu'une année, certains coureurs se sont évanouis, et la course a été neutralisée après 4h d'effort."
Malgré ce risque relatif, Joseph se sent à l'aise sur l'épreuve marathon : "Ce que j'aime, c'est qu'on ne part pas vite - je n'aime pas partir vite". Le côté moins plaisant, ce sont les jambes raides, à chaque fois, à la fin. "Pour moi, les 8 derniers kilomètres sont toujours les plus difficiles. Mais je n'ai jamais abandonné une course, quitte à finir en mauvais état. C'est la tête qui prend le dessus dans ces moments-là."
Une tête sans aucun doute bien faite, qui donne à ces courageux runners non seulement le cran mais aussi l'audace de relever le défi à chaque nouvelle édition du Marathon du Vignoble d'Alsace. Peut-être leur réussite tient-elle simplement à leur extraordinaire motivation ? Une chose est sûre : comme l'exprimait déjà le poète latin Virgile dans l'Enéide : "la chance [en sport comme ailleurs] - sourit aux audacieux". Souhaitons qu'elle vous porte tous les deux encore très loin.
Le Marathon du Vignoble d'Alsace fait partie de ces défis alsaciens qui donnent envie de se dépasser, de faire preuve d'une audace insoupçonnée.
Crédit photo : ©Accessimage.net, Jérôme Genée
Joseph, 55 ans, habite à Dinsheim-sur-Bruche
Il fait partie du CAP Dinsheim, qui organisait auparavant le Combiné de Dinsheim, et propose désormais le Relais du Schiebenberg, en mai, (course par équipe de trois, en relais, sur laquelle il faut réaliser le maximum de tours d'un kilomètre en 1h30).
En tout, il a participé à 28 marathons. Il a également participé 17 fois au Tour d'Alsace en courant, ainsi qu'aux 10 éditions du combiné de Dinsheim. S'il a participé deux fois aux Crêtes vosgiennes et une fois à la Course des Templiers (72km), Joseph n'aime pas trop les trails, car "c'est trop technique, et quand ça descend je n'aime pas".
Ses records perso :
- marathon : 3h15min35s à Paris (2006)
- semi-marathon : 1h25min05s à La Wantzenau (1993)
- 20km : 1h20min28s à Strasbourg (1993)
- 10km : 37min24s à Mutzig (1992)
- 5km : 19min20s à Scherwiller (1997)
Ses projets ?
"Le 1er novembre prochain, je participerai au marathon de New-York. Pour moi, c'est une première, et comme je sais que je ne pourrai pas le refaire en raison du coût, mon objectif est d'y aller tranquillement, pour tenir jusqu'au bout. C'est le marathon le plus populaire du monde ! Au moins, après, je pourrai dire que j'ai fait New York !"
Crédit photo : ©Accessimage.net, Jérôme Genée
Jacques, 48 ans, habite à Strasbourg
Précédemment, il a pratiqué tennis et échecs.
En compétition, il apprécie "le besoin de repousser mes limites, et de découvrir de nouveaux parcours, dans une ambiance festive."
Ses records perso :
- 10km : 38'10 en 2006
- semi-marathon : 1h28 en 2011
- marathon (du vignoble d'Alsace) : 3h27 en 2014
Désormais davantage traileur que runner sur route, il a participé depuis 2006 aux courses du Taennchel (22km), au trail du Petit Ballon (50km), au Grand Défi des Vosges (56, 25 et 75km), aux Crêtes vosgiennes (33km) au Trail du Haut Koenigsbourg (24km). Et hors Alsace, il a participé à la SaintéLyon (73km de nuit).
Ses projets ?
Jacques a récemment renouvelé sa participation aux Crêtes vosgiennes (sur l'épreuve du 33km), où il s'est classé 268e en 3h33min51s. Il sera également sur le premier marathon de Colmar, le 13 septembre.
À noter qu'en plus de Joseph et Jacques, deux autres concurrents, tous deux masculins, ont pris part à chacune des 11 éditions du Marathon du Vignoble d'Alsace. Bravo à eux.
L'auteur, Elyse Moreigne
Editrice de Plaisir du sport en Alsace, passionnée de langages écrits, nageuse, coureuse et randonneuse,
parfois triathlète, engagée pour valoriser la pratique sportive en Alsace en tant que source de bien-être, d'enthousiasme, de dépassement de soi !
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